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La pilule, 40 ans de liberté au féminin 
 
 
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2) Contexte pour la création de la pilule

Katharine McCormick, fut l’une des premières femmes diplômées en biologie, et elle croyait beaucoup aux progrès de la science pour aider les femmes. Margaret Sanger, quant à elle, été confrontée au problème des grossesses non-désirées, très nombreuses, et des avortements lorsqu’elle travaillait en tant qu’infirmière à New York et côtoyait les femmes les plus pauvres. Bien qu’elles venaient de deux mondes différents, les deux femmes firent tout pour améliorer les conditions de vie des femmes par le biais du contrôle des naissances. 
Quand elles se rencontrèrent pour la première fois en 1917, les femmes s’étaient déjà battues pendant des dizaines d’années pour obtenir le droit de vote, officiellement en 1919. Et pendant que ces dernières luttaient pour un accès à l’éducation et de meilleures possibilités d’emplois, M.Sanger et K.McCormick plaidaient en faveur d’un meilleur contrôle des femmes sur leur vie. 
Trente ans plus tard, l’héritage important de K.McCormick et l’infatigable volonté de M.Sanger amèneront à l’invention de la pilule contraceptive et déclencheront une véritable révolution, aux États-Unis, dans un contexte évoluant entre conservation et modernité. 
 
La loi de « chasteté » : 
En 1872, Anthony Comstock, un fervent catholique, était choqué par la prostitution et par les publicités pour contraceptifs et identifia donc l’industrie contraceptive comme une des ses cibles. Il introduisit alors un projet de loi à Washington interdisant toute pratique visant à contrôler les naissances. Le 3 mars 1873 cette loi, plus connue comme le « Comstock Act », fut adoptée par le Congrès. Les contraceptifs étaient alors définis comme obscènes et illicites et propager des informations sur le contrôle des naissances ou le pratiquer était illégal. Chaque état des États-Unis mit en place sa propre version de la loi. L’état du Connecticut était le plus restrictif, certains coulpes étaient parfois arrêtés dans leur propre chambre. 
Cette loi ne fut modifiée que lorsque M.Sanger décida de faire évoluer les choses en ouvrant la première clinique pour le contrôle des naissances en 1916*. Cet évènement permit aux femmes de pouvoir utiliser des méthodes contraceptives pour des raisons thérapeutiques en 1918. Et en 1936, il fut possible pour les médecins de distribuer des contraceptifs grâce à M.Sanger, mais le problème de la loi de « chasteté » n’était pas encore résolu. 
 
L’église Catholique et la régulation des naissances: 
Jusqu’aux années 1930, l’église Catholique n’était pas la seule à s’opposer à la contraception. Dans la tradition chrétienne, le contrôle des naissances avait longtemps été associé à l’adultère et à la promiscuité sexuelle et était sévèrement condamné.  
Mais après que l’église Anglicane se fut prononcée en faveur de la régulation des naissances pendant la conférence de Lambeth en 1930, les protestants réduirent à leur tour les interdits. Seule l’église catholique maintint son opposition. 
En 1930, l’église romaine Catholique interdit officiellement toutes les méthodes contraceptives « artificielles ». Les préservatifs, les diaphragmes et les capes cervicales furent définis comme artificiels car ils bloquaient le trajet naturel des spermatozoïdes pendant les rapports sexuels. Les douches vaginales et les spermicides détruisaient le sperme et furent donc interdits également. Pour l’Église, interagir avec la « graine masculine » (« male seed ») était équivalent au meurtre, et interférer avec la volonté de Dieu était un péché mortel.  
Pour le Vatican, le but fondamental des relations sexuelles était l’acte sacré de la procréation. Seules l’abstinence et la méthode Ogino (abstention de rapports sexuels pendant la période d’ovulation de la femme) étaient tolérées.  
 
De la première clinique pour le contrôle des naissances à la fédération américaine pour le planning familial: 
En 1916, M.Sanger et sa sœur Ethel Byrne, elle aussi infirmière, ainsi que Fania Mindell, une interprète de Chicago, ouvrirent la première clinique pour le contrôle des naissances à Brownsville dans le quartier de Brooklyn à New York. Elles louèrent un petit magasin et affichèrent des informations sur leurs services en plusieurs langues. M.Sanger s’inspira des cliniques de régulation des naissances de Hollande en 1915. Pour dix centimes, chaque femme recevait une courte brochure, rédigée par M.Sanger, intitulée « What every girl should know » (tout ce qu’une femme devrait connaître) sur le fonctionnement du cycle sexuel féminin et sur l’utilisation de différents contraceptifs. La clinique reçut plus de cent femmes le premier jour et au moins quatre cents une dizaine de jours après l’ouverture. De très pauvres immigrantes attendaient parfois plusieurs heures devant les portes avant que la clinique ouvre. Jusqu’au jour où la police arriva. 
Elles furent toutes les trois arrêtées et accusées de n’avoir pas respecté le « Comstock Act » en communiquant des informations sur la contraception. M.Sanger avait déjà été arrêtée en 1914 pour avoir envoyé des informations sur le contrôle des naissances dans une lettre publiée dans le journal US Mails, intitulée The Woman Rebel (La femme rebelle). 
Finalement en 1917, E.Byrne fut reconnue coupable et condamnée à une peine de prison sur l’île Blackwell, où elle entama une grève de la faim et de la soif et devint ainsi la première femme des États-Unis à être nourrie de force. F.Mindell fut aussi reconnue coupable et dut payer une amende de $50 pour avoir distribué les brochures de M.Sanger. M.Sanger refusa de payer son amende et dut donc servir pendant un mois dans le pénitentiaire du Queens County. La clinique ferma alors ses portes. 
Le comité des « cent » fut organisé par Gertrude Pinchot, une autre femme importante pour le contrôle des naissances, pour protester contre la fermeture de la clinique. Il réunit aussi une importante somme d’argent pour faciliter la rencontre entre M.Sanger et le gouverneur Whitman, qui amena finalement à la libération de E.Byrne plus tôt que prévue. Le comité, le « Mouvement pour le contrôle des naissances », publia aussi à partir de 1917 La revue pour le contrôle des naissances (The Birth Control Review) le premier journal mensuel scientifique dédié à la contraception.  
La première conférence pour le contrôle des naissances eut lieu à New York en 1921. M.Sanger et Mary Winsor, autre leader du mouvement, furent aussitôt arrêtées pour avoir tenté de communiquer des informations sur la contraception à un public de masse.  
En 1923, de plus en plus d’hommes et de femmes éduqués supportaient financièrement le mouvement , et M.Sanger fut alors reconnue comme le leader international du mouvement pour le contrôle des naissances et fonda donc la Ligue américaine pour le contrôle des naissances (The American Birth Control League), une nouvelle organisation avec pour ambition non seulement la régulation des naissances mais aussi la limitation de la population mondiale ainsi que la fin de la famine dans le monde.  
M.Sanger ouvrit aussi un Bureau de recherches cliniques sur la contraception (The Birth Control Clinical Research Bureau) pour distribuer des contraceptifs aux femmes sous la supervision d’un physicien (pour respecter la loi) dans le but d’étudier les effets de la contraception sur la santé des femmes. 
En 1926, M.Sanger, devenue présidente de la ligue américaine, et Bernard Mallet, le secrétaire des ligues internationales pour le contrôle des naissances, organisèrent la première conférence mondiale pour la population à Genève, en Suisse. 
En 1929, encore une fois, les physiciens et les infirmières sont arrêtés et le matériel ainsi que les dossiers confidentiels sont confisqués. Cette intrusion dans les relations confidentielles entre un médecin et son patient suscita dans le milieu médical d’ importantes protestations et donc le soutien au bureau. Les accusés sont donc acquittés et l’événement fera la Une des journaux à travers tout le pays.  
En 1930, une centaine de groupes, régionaux et locaux, dans des domaines comme la médecine, l’éducation et la religion se prononcèrent en faveur de la contraception. M.Sanger rouvrit une clinique à New York, cette fois à Harlem. 
En 1936, après une vingtaine d’années d’activisme, les défenseurs du mouvement pour le contrôle des naissances atteignirent une de leur plus grande victoire. Le juge Augustus Hand ordonna une libéralisation de la loi Comstock concernant l’importation de dispositifs contraceptifs. Le juge qualifiait alors l’ancienne loi d’inconstitutionnelle, et affirmait que le contrôle des naissances ne pouvait plus être considéré comme obscène. 
Un an plus tard, l’association médicale américaine reconnut le contrôle des naissances comme une partie intégrale de la pratique de la médecine et de l’éducation. La Caroline du Nord devint le premier état à reconnaître le contrôle des naissances comme un problème de santé publique et à apporter des services pour la contraception aux femmes pauvres à travers son programme de santé publique. 
En 1939, la Ligue américaine pour le contrôle des naissances et le Bureau de recherches cliniques sur la contraception fusionnèrent pour former la Fédération américaine du contrôle des naissances (The Birth Control Federation of America), qui comprenait en 222 cliniques et servait alors 49000 nouveaux clients. 
Mais sous la pression du Directeur National Kenneth Rose, les membres de la fédération votèrent pour changer le nom de l’organisation, pour enfin aboutir en 1942 au « Planned Parenthood Federation of America » c’est à dire la fédération américaine pour le planning familial. 
 
Contraception et mondialisation : 
En 1935, M.Sanger fit un voyage en Inde pour tenter de convaincre Mohandas K. Gandhi, qui préconisait l’abstinence uniquement, que la contraception était de première importance, notamment pour éviter une trop forte augmentation de la population. Plus tard, en 1952, l’Inde fut finalement la première nation à intégrer la planification des naissances dans son programme de développement. 
 
 
Dans les années 1940, les scientifiques avaient compris l’importance des hormones intervenant dans le cycle sexuel de la femme. Ils établirent qu’une fois la femme enceinte sa fertilité était suspendue, et qu’ainsi une femme ne pouvait pas procréer en même temps, car ses ovaires sécrètent alors les hormones progestérone et œstrogène (voir fonctionnement dans le II).  
Une fois que les scientifiques eurent isolé la progestérone et compris sa structure chimique, ils essayèrent de trouver des traitements thérapeutiques à base d’hormones. Les chercheurs espéraient que la progestérone serait efficace pour soigner les femmes ayant des règles douloureuses par exemple. 
Mais il y avait beaucoup d’obstacles à surmonter pour pouvoir fabriquer un médicament qui convienne à la population. La progestérone naturelle était compliquée à obtenir, il fallait l’extraire à partir d’animaux, ce qui était difficile, long et très coûteux. Les médicaments à base de progestérone naturelle demandaient des concentrations très élevées pour être efficace, et le prix variait entre $80 et $1000 pour un gramme, et uniquement les patients les plus riches pouvaient se le procurer. De plus, ce médicament devait être administré par piqûres qui étaient alors douloureuses.  
En 1943, le chimiste Russell Marker découvrit comment extraire de la progestérone à partir de plantes. Peu après, il fut capable de créer un œstrogène de synthèse également à partir de source végétale. Mais R.Marker devait toujours trouver une plante qui pourrait produire assez de progestérone pour rendre une production de masse possible. Il voyagea à travers les États-Unis à la recherche de la plante miracle mais revint les mains vides. Il se dirigea alors vers le Mexique pour trouver une plante appelée cabeza de negro, qu’il avait découvert par hasard dans un vieux livre de botanique. Son intuition était bonne, les grands tubercules se révélèrent être une excellente source de progestérone qui conviendrait pour la production bon-marché. 
Il y avaient malheureusement toujours beaucoup d’inconvénients, la progestérone synthétique de R.Marker n’était pas fonctionnelle par voie orale et il fallait donc l’administrer par injections.  
Au tout début des années 1950, Frank Colton et Carl Djerassi, deux chimistes qui travaillaient indépendamment dans deux compagnies pharmaceutiques, prirent la relève de R.Marker. Ils créèrent chacun une forme orale très efficace de progestérone de synthèse. C.Djerassi, qui travaillait pour Syntex, mit au point une progestérone de synthèse, norethindrone, non seulement fonctionnelle oralement mais aussi huit fois plus efficace que l’hormone naturelle. F.Colton, qui travaillait pour Searle, créa une autre forme tout aussi efficace qu’il appela norethynodrel. 
 
Un projet: une pilule miracle: 
Malgré les avancées importantes en matière de régulation des naissances, M.Sanger restait très insatisfaite car les femmes ne disposaient toujours pas de meilleures méthodes de contraception.  
En 1951, M.Sanger, maintenant âgée de 72 ans, fit un dernier effort pour trouver quelqu’un qui pourrait inventer sa « pilule magique » (« magic pill »). Lors d’une soirée à New York, on lui présenta Grégory Pincus et elle le supplia de l’aider dans sa recherche. A sa grande surprise, il lui annonça que c’était peut-être possible à réaliser avec des hormones mais qu’il aurait besoin de fonds importants pour pouvoir lancer des recherches. 
M.Sanger se débrouilla alors pour obtenir de la fédération une minuscule subvention pour G.Pincus, qui commença un travail initial sur l’utilisation d’hormones comme contraceptifs à la Fondation Worcester. 
C’est ainsi que la création de la fameuse pilule contraceptive, dite « pilule » débuta.

(c) Caroline Manet - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 12.01.2005
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