1) La législation de la pilule en France
Jusqu’aux années 1970, en France, toute tentative d’arrêt d’une grossesse était non seulement illégale mais il était aussi interdit de divulguer toute information sur la contraception, parfois sous peine d’emprisonnement. Les françaises n’avaient alors presque aucun moyen pour contrôler leur fécondité, ainsi tout rapport sexuel était censé être suivi de procréation, l’angoisse des grossesses non-désirées était alors constante. Ainsi, une femme enceinte à cette époque qui ne désirait pas garder son enfant devait faire un choix des plus difficiles; choisir de mettre son enfant au monde pour l’abandonner ou bien décider d’interrompre sa grossesse. La première possibilité supposerait alors un immense courage puis beaucoup de tristesse, et la deuxième la placerait dans l’illégalité.
Nombreuses furent les femmes à subir ce traumatisme à cause d’une seule et unique loi.
La loi de 1920 :
La loi en vigueur était celle du 31 juillet 1920, ou la victoire des « pères lapins ». Elle avait été adoptée par la « Chambre bleu horizon », nom donné à la chambre des députés de 1919, car la plupart étaient d’anciens combattants de la Première Guerre Mondiale (d’après la couleur des uniformes français), qui voulait lutter contre la dénatalité, repeupler la France pour garantir sa sécurité, et également lutter contre les poussées des néo-malthusiens qui voulaient rendre publique les méthodes de régulation des naissances. Le néo-malthusianisme était un mouvement anarchiste et antimilitariste datant de la fin du XIXe siècle, qui avait pour but de libérer les classes populaires en leur donnant les moyens de ne pas avoir trop d’enfants qui pourraient être exploités ou qui pourrait servir de « chair à canon ».
Sous le régime du Maréchal Pétain, la loi devint plus stricte. En effet, la loi de septembre 1941 instaura une nouvelle disposition, l’avortement devint un crime contre l’état. Le gouvernement de Vichy menait une politique nataliste, c’est à dire prônait un accroissement du nombre des naissances, et punissait l’avortement de deux manières. La première était l’internement.
Comme l’avortement était assimilé aux actes de sabotage et de trahison, car selon la politique il privait la patrie d’une force vive, quelques sages-femmes pouvaient être condamnées aux travaux forcés, et la blanchisseuse Marie-Louise Giraud, « faiseuse d’anges », fut condamnée à mort le 30 juillet 1943. En 1942, le maréchal Pétain instaura la fête des mères, pour lui « le cœur de la famille, la lampe du foyer, c’est la maman ».
Ensuite, un décret du 5 octobre 1953 codifia les textes de lois concernant la santé publique, notamment l’article 317 du code pénal et les articles 645, 646, 647 du code de la santé publique. L’article 317 se présentait ainsi:
Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, manœuvres, violences ou par tout autre moyen aura procuré ou tenté de pratiquer l’avortement d’une femme enceinte ou supposée enceinte, qu’elle y ait consenti ou non, sera puni d’une amende de 1800 à 36000 F.
L’emprisonnement sera de cinq ans à dix ans et l’amende de 18000 à 72000 F s’il est établi que le coupable s’est livré habituellement aux actes visés au paragraphe précédent.
Sera punie d’un emprisonnement des six mois à deux ans et d’une amende de 360 à 7200 F la femme qui se sera procuré l’avortement à elle-même ou aura tenté de se le procurer, ou qui aura consenti à faire usage des moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet.
Les médecins, officiers de santé, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, pharmaciens, ainsi que les étudiants en médecine, les étudiants ou employés en pharmacie, herboristes, bandagistes, marchands d’instruments de chirurgie, infirmiers, infirmières, masseurs, masseuses qui auront indiqué, favorisé ou pratiqué les moyens de procurer l’avortement seront condamnés aux peines prévues aux paragraphes premier et second du présent article. La suspension pendant cinq ans au moins ou l’incapacité absolue de l’exercice de leur profession seront, en outre, prononcées contre les coupables.
Quiconque contrevient à l’interdiction d’exercer sa profession en vertu du paragraphe précédent sera puni d’un emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au plus et d’une amende de 3600 F au moins et de 36000 F au plus ou de l’une de ces deux peines seulement.
Les autres articles du code de la Santé publique régissaient l’interdiction de l’offre, la vente et la distribution de « remèdes, substances, sondes intra-utérines et autres objets analogues, susceptibles de provoquer l’avortement » (article 645). L’article 646, quant à lui, précisait le délit de « provocation à l’avortement ». La tentative d’avortement était alors aussi sévèrement réprimée que l’avortement même, ce qui créa parfois des situations complexes, une femme ayant essayé de se faire avorter pourrait être mise en cause même si elle s’était trompée et n’était finalement pas enceinte.
Toutefois, ce dispositif ne suffit pas à faire remonter le taux de natalité, ni à empêcher les avortements clandestins, qui s’élevaient parfois à 250000, 500000 voire même 850000 par an.
Mais la loi était totalement inefficace par rapport à son but, accroître le nombre des naissances, de plus, elle était de moins en moins appliquée; les condamnations s’élevaient à 5251 en 1946 et elles n’étaient plus que de 289 en 1960. De plus, la loi n’était pas la même pour tous car elle dépendait en fait des convictions personnelles des magistrats. Cette situation contribuait à faire de cette loi une absurdité aux yeux de l’opinion publique.
La « loi Neuwirth » de 1967:
Le vrai combat pour obtenir la légalisation de la contraception ainsi qu’une entreprise politique s’organisa dans les années 1950, notamment avec le développement du Planning Familial (voir III, 2).
Les pouvoirs politique, eux, commencèrent à réagir à ce mouvement en 1965, lors de la première élection présidentielle au suffrage universel direct : les candidats à la présidentielle durent s’exprimer sur le thème de la contraception. Le candidat de la gauche, alors réunit en programme commun c’est à dire que le Parti Socialiste (PS) et le Parti Communiste français (PCF) avaient défini des objectifs et des engagements communs dans la perspective d’exercer leur pouvoir conjointement, M.François Mitterrand, se prononça en faveur de la légalisation de la contraception. M.Jean Lecanuet, candidat de droite, et président du Mouvement Républicain Populaire (MRP) se contenta de répondre « Je suis pour la liberté ».
M.Lucien Neuwirth, député de l’Union des Démocrates pour la République (UDR), déposa le premier juin 1966 la proposition de loi n°1870 dont le but était de légaliser la contraception. La première et unique justification de cette proposition était de réduire le nombre le nombre d’avortements clandestins, et pas forcément d’offrir aux femmes et aux couples le droit de décider d’avoir ou non un enfant.
Le premier juillet, les députés vinrent discuter la proposition de loi formulée par M.Neuwirth ainsi que celle de Mme Jacqueline Thome-Patenôtre, députée radical-socialiste (qui venait compléter celle de M.Neuwirth en prévoyant que « la délivrance, par les pharmaciens diplômés, des produits et objets présentés comme propres à prévenir la conception est autorisée sur présentation d’une ordonnance médicale »).
La proposition de loi de M.Neuwirth fut examinée au Sénat le 5 décembre, revint à l’Assemblée nationale le 14, au Sénat le 15, pour être finalement adoptée par une commission mixte paritaire le 19 décembre 1967. Elle devint alors la Loi n° 67-1176 du 28 décembre 1967.
Cependant, à l’occasion de l’adoption de cette loi on a pu observer de nombreux clivages entre la gauche et à la droite, et même, à l’intérieur de ces mouvements politiques. Par exemple, la droite était divisée sur la question de la régulation des naissances.
Certains gaullistes hostiles à la proposition :
Le gaullisme est un courant politique de droite apparu en France au cours de la seconde moitié du XXe siècle et qui synthétise trois composantes, le charisme d’un homme, le général de Gaulle, quelques principes relatifs aux institutions et à la politique extérieure, et un pragmatisme conduisant à l’adoption de décisions adaptées aux circonstances du moment et quelquefois inattendues. La majeure partie de ces gaullistes faisaient partie de l’UDR et étaient alors très hostile à la proposition de loi. Ils avaient trois types d’arguments, dont le principal était l’argument nataliste, qui consistait à dire que cette réforme entraînerait une forte baisse de la natalité en France et serait donc une menace pour le pays. Un autre argument visait à montrer que l’utilisation de méthodes contraceptives pourrait se révéler dangereuse pour la santé des femmes, pouvant entraîner par exemple la stérilité, des grossesses multiples ou encore des malformations congénitales. Enfin, la prise de la pilule contraceptive donnerait à la femme le pouvoir de la décision. La femme deviendrait alors un « objet de volupté stérile » comme l’a dit le député UDR Jean Coumaros, et elle favoriserait dans ce cas la dégradation des mœurs car, débarrassée de la peur de la grossesse, elle pourrait commettre l’adultère par exemple et assouvir ses pulsions. Ce mouvement minoritaire au sein de l’Assemblée traduisait les valeurs d’une droite conservatrice et étroitement liée à l’église.
Une fraction gaulliste et centriste favorable :
Ce deuxième groupe faisait partie de la droite et du centre, qui désigne les mouvements politiques refusant le conservatisme des partis de droite et les bouleversements proposés par les partis de gauche, et favorables à un changement progressif et modéré des structures sociales. Son argument principal reposait sur le fait que la loi de 1920 n’était plus respectées et qu’il fallait donc la modifier. M. Neuwirth représentait notamment ces parlementaires, mais ce groupe devait avant tout rassurer son électorat en affirmant qu’il ne s’agissait pas de malthusianisme, ni même de la liberté de procréation, mais de pouvoir donner aux familles les meilleurs moyens d’accueillir leurs enfants. Ils insistèrent aussi sur le fait que cette loi pourrait prévenir l’avortement clandestin.
La gauche, quant à elle, reste unie pour prôner la législation :
La gauche était en effet unanimement favorable à l’adoption de la loi, les deux principaux partis, Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste et le Parti Communiste, voulaient que les couples puissent planifier le développement de leur famille et ainsi choisir le moment où ils décideraient, en toute liberté, d’avoir des enfants. Ils insistaient aussi sur le fait que les femmes des classes populaires, notamment, ne disposaient d’aucune information pour pouvoir se protéger efficacement, ni de moyens pour se rendre à l’étranger. Ils affirmaient alors que disposer d’une contraception efficace pourrait empêcher la multiplication des avortements.
Il y avait tout de même quelques différences entre communistes et socialistes. Pour ces derniers, l’enjeu majeur était la libération de la femme, et ils étaient bien les seuls à l’évoquer. Les communistes en revanche se souciaient plus de la politique sociale à mettre en œuvre, installations de garderies par exemple ou tout ce qui pourrait favoriser l’acceptation d’une grossesse dans la sérénité. Ils étaient également très concernés par le problème de l’éducation sexuelle.
Une loi cependant peu efficace :
La loi qui fut donc votée introduisait des changements importants, elle modifiait les articles 3 et 4 de la loi de 1920, mais elle était entourée de restrictions qui empêchèrent son efficacité. Elle était restrictive pour les mineurs (21 ans à l’époque), demandant le consentement écrit des parents, il faudra attendre le vote d’une nouvelle loi en 1974 pour que le consentement parental ne soit plus exigé. Elle instaurait un contrôle médical par l’obligation du carnet à souches pour les contraceptifs oraux (à l’image des toxiques). Ce carnet ne sera en fait jamais utilisé. Elle interdisait toute publicité même indirecte concernant la contraception ce qui fut un frein important à sa diffusion. ( Ce n’est que le 30 décembre 1987 que seront abrogés les articles de la loi de 1920 concernant la publicité et la propagande pour les préservatifs… en tant que moyen de prévention des maladies sexuellement transmissibles et du SIDA). L’interdit sur la publicité pour la contraception (préservatifs et autres) perdurait. L’absence de remboursement par la Sécurité Sociale freinait l’accessibilité des femmes aux contraceptifs modernes.
Les décrets d’application, qui devaient normalement intervenir au plus tard six moi après l’adoption de la loi, ne furent signés que bien après. Les deux premiers concernaient la fabrication, l’importation et la vente de contraceptifs furent publiés dans le Journal Officiel du 4 février 1969. Les deux derniers décrets ne furent admis qu’en 1972 après que M. Neuwirth, en s’adressant au ministre de la santé, eut qualifié cette lenteur de « sabotage délibéré » qui ne pouvait aboutir « qu’à l’encouragement des pratiques abortives, inévitable résultat de l’échec éventuel de la contraception ».
En 1970, la contraception moderne n’était pas encore populaire, d’ailleurs, seuls les praticiens, les laboratoires et les médecins savaient vraiment ce que le mot « contraception » signifiait. Ils échangeaient leurs prospectus et journaux spécialisés alors que les femmes étaient laissées dans l’ignorance. De plus, les femmes les plus défavorisées ne savaient de la contraception que ce qu’en disaient les journaux à grand tirage, comme par exemple que la pilule faisait grossir ou qu’elle donnait le cancer et faisait tomber les cheveux. En 1973, seulement 6 à 7es femmes pratiquaient la contraception.
La loi de 1974 :
La « loi Neuwirth » était donc bien insuffisante pour que les femmes puissent accéder à une contraception efficace, ou même simplement à le contraception. C’est la loi de 1974 qui va apporter les modifications nécessaires à la loi de 1967 pour qu’elle puisse être appliquée correctement et efficacement.
En 1974, après la mort de Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, Républicain Indépendant, fut élu président de la république avec tout juste la majorité, 50.81es voix, face à François Mitterrand. Partisan d’un changement maîtrisé, il entreprit un mouvement de réformes, touchant plus aux mœurs qu’aux structures économiques, en faisant appel à de nouveaux venus sur la scène politique, comme Mme Simone Veil, nommée ministre de la santé, qui fit légaliser l’avortement notamment.
C’est en fait à l’occasion du projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) que les politiques vont revenir sur la contraception. En effet cette question ne sera réglée que quelques jours seulement avant l’examen du projet de loi sur l’IVG.
En effet, il paraissait tout à fait improbable d’aborder la question de l’avortement alors même que les moyens de contraception étaient encore très limités pour les femmes, on l’a vu à cause de la mauvaise application de la précédente loi, de plus, il serait impossible pour le gouvernement de dire que l’avortement ne serait pas utilisé comme un moyen de limitation des naissances. D’un point de vue tactique et politique, il était très important de rattraper les insuffisances concernant l’application de la « loi Neuwirth » ainsi que de faire tomber les dernières barrières qui rendaient difficile l’accès à la contraception. On l’a vu, la contraception était encore très peu répandue au début des années 1970. C’est pourquoi le gouvernement mit en place un nouveau projet de loi n° 937, le 28 juin 1974, qui venait modifier la loi n° 67-1176, et M. Neuwirth en était évidemment le rapporteur. Il déclara que « par l’information, l’éducation sexuelle, et désormais, par le libre accès aux contraceptifs, la femme reçoit la maîtrise de ses maternités, devenant par là l’égal même de l’homme ». Ce nouveau projet prévoyait:
La disparition du carnet à souches, qui assimilait alors les femmes aux toxicomanes et les obligeaient à décliner leur identité et à se faire inscrire sur un tableau spécial.
L’abaissement de l’âge au-dessous duquel le consentement des parents était nécessaire, la majorité étant elle même abaissée à 18 ans.
Les centres de planification pourraient distribuer gratuitement des contraceptifs (ceci permettait aux politiques d’éviter le remboursement de ces produits par la Sécurité Sociale, toujours considéré comme choquant pour certains parlementaires.)
Lors de l’examen de ce projet, les clivages politiques étaient à peu près les mêmes que pour la « loi Neuwirth », mais les changement concernaient surtout la proportion des députés hostiles à la libéralisation de la contraception, beaucoup avaient compris l’urgence de cette nouvelle politique.
Le soutien unanime de la gauche :
La position de la gauche était représentée par des interventions comme celles des députés Jacques-Antoine Gau (PS) et Jacqueline Chovanel (PC). Le premier rapporta qu’il aura fallu sept ans pour parvenir à une libéralisation complète de la contraception et que beaucoup de drames auraient pu être évités. Il termina par dire « le projet de loi nous paraît satisfaisant et nous le voterons » mais qu’il ne devait en aucun cas constituer un alibi pour éviter de régler la question de l’avortement. Il rappela aussi la lourde responsabilité des parlementaires qui avaient repoussé le projet en décembre de l’année précédente. Mme Chovanel, quant à elle, mit l’accent sur le fait que tout ce qui touchait au domaine de la contraception devait être considéré comme appartenant au domaine médical et devait donc être remboursé par la Sécurité Sociale, ce qui n’était pas prévu par le projet. Elle finit en disant que le groupe communiste voterait le projet, mais en demandant au gouvernement de ne pas attendre cinq ans pour publier les décrets d’application.
La droite divisée mais consciente de la nécessité de révision de la loi:
En 1967, on la vu, la loi avait suscité de nombreuses résistances et la droite conservatrice devait être représentative d’une plus grande partie de la population qu’en 1974.
En effet, en 1974, une fraction beaucoup plus importante des différents mouvements de droite s’était ralliée au projet de Simone Veil. On peut le voir avec l’intervention d’Anne-Marie Fritsch, du groupe des réformateurs, déclara qu’il aura fallu l’intervention d’un ministre de la Santé, un débat peu glorieux sur la modification de la loi de 1920 et une campagne présidentielle pendant laquelle tous les grands sujets de société furent débattus, et enfin un nouveau gouvernement ainsi que la nomination d’une femme au Ministère de la Santé pour que le problème de la contraception puisse trouver une solution.
D’autres fractions plus conservatrices de la droite s’opposèrent au projet, surtout en ce qui concernait la suppression de l’autorité parentale pour les mineures, qui était censée favoriser le délabrement des mœurs chez les jeunes. L’abbé Laudrin (UDR), connu pour son conservatisme, dit à ce sujet: « Avec les facilités qui viennent d’être accordées, se pose à nous un problème de moralité publique […] et d’autorité parentale […]. Donner aux jeunes les moyens de se livrer à des fantaisies que l’adolescence ne contrôle pas toujours, c’est leur permettre de se servir de toutes les forces qui sont dans leur nature sans leur apporter la moralisation indispensable: un homme ne s’élève pas avec des médicaments; il doit aussi former sa volonté. Car la vertu, chez les Grecs et les Romains, était liée à la force de caractère qu’il ne faut pas diminuer. »
Une opposition plus marquée du Sénat:
Le projet fut ensuite examiné au Sénat à partir du 7 novembre 1974, et il y provoqua plus de remous dans les rangs de la droite qu’à l’Assemblée, les arguments de la démographie furent invoqués ainsi que ceux présentant des risques pour la santé.
Mais surtout la contraception était considérée comme favorisant la débauche, chose à laquelle les sénateurs paraissaient beaucoup plus sensibles que les députés de l’Assemblée. Jean Bertaud (UDR) déclara:
« Le projet de loi tel qu’il nous est actuellement soumis ne peut avoir comme conséquence que d’encourager de dévergondage chez les jeunes, de diriger les éléments les plus faibles vers la prostitution, de favoriser la désagrégation de notre morale, entreprise à laquelle s’acharnent de nos jours une certaine presse, un certain cinéma et même la télévision qui, les uns comme les autres, préconisent aux adolescents et aux adultes de laisser libre cours à leurs instincts et de jouir de la vie en tentant de multiplier les expériences amoureuses ou présumées telles. »
L’adoption finale du texte:
Le texte reparti pour une deuxième lecture à l’Assemblée Nationale le 21 novembre 1974, il n’y eut pas de problème majeur et le projet de loi fut donc adopté. Il se présentait ainsi:
TITRE PREMIER
DE L INFORMATION SEXUELLE ET FAMILIALE ET DE LA CONTRACEPTION
Article premier.
La présente loi a pour objet de faciliter la planification des naissances et le libre choix par les familles de la période qu’elles jugeront le plus opportune pour mettre au monde leurs enfants.
A cet effet, l’information sexuelle et familiale sera largement diffusée, l’accès aux méthodes de contraception facilité et le recours à l’avortement autorisé dans certaines conditions.
Article 2.
Les méthodes de contraception et l’information sexuelle et familiale seront largement diffusées dans les centres prévus à l’article 4 ci-dessous et grâce, notamment, à des émissions spécialisées diffusés régulièrement sur les ondes de la radio et de la télévision d’État.
Les informations sur ces sujets seront diffusés par des médecins et des conseillers familiaux délégués par les centres prévus à l’article 4 ci-dessous, ainsi que, dans le cas échéant, par les membres du corps enseignant, dans les établissements d’enseignement publics et privés, les établissements sanitaires et sociaux et les entreprises soumises au contrôle de l’inspection du travail.
Un projet de loi déposé dans les six mois suivant la date d’entrée en vigueur de la présente loi précisera les conditions d’application du présent article.
Article 3.
Les moyens de contraception sont délivrés sur ordonnance médicale à toute personne qui en fait demande dans les pharmacies et les centres visés à l’article 4 ci-dessous.
Ils sont remboursés par la Sécurité sociale.
Article 4.
Les établissements d’information, de consultation ou de conseil familial prévus par la loi du 27 décembre 1967 ainsi que les centres de planification ou d’éducation familiale privés sont regroupés en un établissement public unique à caractère administratif et à but social.
Cet établissement public est placé sous la tutelle des Ministres chargés de la Santé Publique et de la Population.
Son conseil d’administration devra comprendre des représentants des associations concernées par les dispositions du premier alinéa du présent article, ainsi que des représentants des associations familiales et des médecins.
Dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement déposera un projet de loi fixant les modalités de fonctionnement et de financement du nouvel établissement public.
La législation de la pilule contraceptive en France fut donc assez tardive mais surtout très longue et laborieuse, en sachant que beaucoup de facteurs ont été influents pour aboutir à cette situation. On ne peut pas, en effet, négliger tous les facteurs sociaux qui se sont intervenus à cette époque, quels qu’ils soient.