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La pilule, 40 ans de liberté au féminin 
 
 
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3) La pilule et la démographie

Dans cette partie, on va tenter de répondre à la question: « La pilule contraceptive a-t-elle eu un effet sur la fécondité en France? ». Pour cela, il faut étudier plusieurs aspects, et pas seulement la fécondité et la contraception. On formulera notamment des hypothèses, que l’on essayera de vérifier, et on analysera en particulier une enquête ainsi que des documents graphiques. 
 
La pilule responsable de la baisse de la fécondité? 
La première hypothèse que l’on peut envisager concerne l’application directe de la pilule contraceptive. C’est à dire qu’à partir du moment où la pilule a existé et surtout à partir du moment où elle a été légalisée en France, on peut supposer que la fécondité en France devrait baisser. On peut analyser alors une courbe de la fécondité en France à cette époque:(voir album photo) 
On voit sur ce graphique que la situation est un peu incohérente. En effet, on voit que l’indice conjoncturel de fécondité (ICF), c’est à dire la somme des naissances réduites qui mesure le nombre d'enfants qu'aurait une femme tout au long de sa vie, augmente encore alors que la pilule existe.  
Ceci est sûrement dû au fait qu’elle n’est disponible qu’aux États-Unis à cette époque. Mais on voit aussi que la chute de la fécondité débute avant la législation de la pilule en France. Elle commence à décroître en 1964 environ, l’ICF est alors de 2.9. Bien qu’il y a une forte décroissance de l’ICF après 1967, il va falloir examiner plusieurs autres aspects si on veut comprendre la situation. 
 
Enquête : 
La fécondité reflète le comportement reproductif des femmes, en lien étroit avec la mentalité de cette population. On distingue deux sortes de fécondité : 
une fécondité naturelle, sans aucun contrôle délibéré des naissances 
une fécondité dirigée qui pratique un contrôle des naissances, grâce aux moyens contraceptifs ou, à l’abstinence. 
La plupart des populations humaines d’aujourd’hui sont soumises à la fécondité dirigée. 
Pour voir les conséquences de la contraception sur la population, il faut analyser l’effet de la législation, sa diffusion, le comportement des femmes, et leur attitude. 
L’attitude et le comportement des femmes : 
D’après l’enquête, on aperçoit un changement de l’attitude des femmes face à la pilule, et elles deviennent favorables à son utilisation. La pilule devient la méthode contraceptive la plus utilisée en un court laps de temps. Son développement au sein de la population s’est réalisé par rapport aux attentes des femmes, comme la dimension idéale de la famille, et le choix du moment de la naissance. 
Beaucoup de femmes qui n’utilisaient pas la pilule annonçaient être pour son utilisation (56% contre 36% qui ne l’utiliseront jamais). De plus, beaucoup de femmes l’utilisaient après une grossesse non désirée (93%). 
De nombreux obstacles (souvent des facteurs individuels) sont quand même apparus, comme les pratiques religieuses, le niveau économique, le degré d’instruction, et le comportement conjugal. 
Les femmes qui refusaient de prendre la pilule, déclaraient que c’était souvent par crainte des conséquences(36%), par principe et par scepticisme (9%). Certaines autres ne la prenaient pas parce qu’elles avaient confiance en leur mari (18%), et qu’elles acceptaient tout autre enfant. 
La prise de la pilule concernait plutôt des catégories précises. Les utilisatrices majeures étaient les jeunes femmes (moins de 20 ans à 30 ans), et les femmes ayant déjà trois enfants (les trois premiers enfants sont les mieux acceptés). Finalement, les ouvriers étaient pour l’utilisation de la pilule car ils avaient généralement plus d’enfants que les cadres. 
 
La diffusion de la pilule entre 1971 et 1978 : 
En 1971 cette méthode de contraception était encore relativement peu utilisée malgré son accord par la législation. Son utilisation s’est d’abord répandue parmi les jeunes femmes, puis chez toutes les tranches d’âge entre 1971 et 1978, puisque 31% des femmes mariées de 20 à 45 ans l’employait en 78 contre 11% en 1971. 
On voit en effet qu’en 1978, ce sont les femmes les plus jeunes qui utilisent majoritairement la pilule (femmes de 20 à 24 ans, sachant que les femmes encore plus jeunes ne sont pas prises en compte ici), elles sont environ 40% à l’utiliser. Mais on voit aussi, que la pilule s’est bien diffusée pour les autres classes d’âges également entre 1971 et 1978, par exemple, à peu près 8% de femmes âgées de 35 à 39 ans prenaient la pilule en 1971 contre 22% en 1978. 
La prise de la pilule dépendait de facteurs économiques et moraux, qui ont fait varier le moment de sa diffusion majeure : 
La région parisienne a été la première région à avoir des taux importants d’utilisation(18% contre environ 9% dans les autres régions de France), alors que les milieux ruraux portaient apparemment une certaine hostilité à cette méthode. En effet, la diffusion y a été beaucoup plus tardive mais l’écart des pourcentages a cependant fortement rétréci. Par exemple, 2% des femmes d’agriculteurs reconnaissaient prendre la pilule contraceptive en 1971, contre 22% en 1978. 
Le niveau d’éducation influençait beaucoup l’utilisation de la pilule. Par exemple, sa diffusion massive dans les milieux disposant d’une bonne éducation a été antérieure aux milieux dans lesquels la population était moins qualifiée. Ceci devait être dû en partie au fait que les femmes ayant des emplois qualifiés ne pouvaient pas se permettre de risquer leur travail en tombant enceinte, puisque à l’époque beaucoup de femmes perdaient leur place pour cette raison. De plus, elles se souciaient davantage des conditions d’éducation propices pour leur enfant (milieu familial stable, d’une taille correcte, et bien installé). 
L'amplification de l’utilisation de la pilule a toutes fois eu lieu dans les deux classes sociales, pour les jeunes femmes disposant du baccalauréat 23% prenaient la pilule en 1971, et 36% en 1978, et pour les jeunes femmes disposant du certificat d’études 7% l’utilisaient en 1971 et 27 % en 1978. 
Avant 1971, on ne se servait presque pas de la pilule parmi les femmes catholiques pratiquantes. Mais en 1978, une augmentation de son utilisation a été constatée dans les milieux où le sentiment religieux était vivace. Les facteurs individuels avaient parfois plus d’importance que la religion, et certaines femmes ne comprenaient pas l’opposition de l’Église. 
La diffusion principale de la pilule s’est faite en moins de 8 ans, entre 1971 et 1978, touchant l’ensemble des milieux sociaux, des classes d’âges, et des régions. Elle a été rendue possible grâce à la législation, même si son impact n'a pas été immédiat. Cette propagation a commencé par la fraction la plus jeune de la population, la plus urbanisée, et enfin la plus favorisée. 
 
Analyse de la courbe de l’indicateur conjoncturel de fécondité : 
On la vu, l’analyse de la fécondité nécessite qu’on observe plusieurs facteurs de société, qu’on ne peut pas négliger. A cette époque on assiste en effet à une amélioration de la condition féminine, notamment en ce qui concerne le travail, l’intégration croissante des femmes au marché du travail marque en effet les années 1960 et les décennies suivantes, entre 1968 et 1973, le tertiaire assure 83% des créations d’emplois et ceux-ci sont occupés à 60% par des femmes, mais on assiste aussi à une revendication des femmes de vouloir améliorer leur condition, avec les mouvements féministes… Cette évolution des mœurs est donc en grande partie responsable de la baisse de la fécondité. 
Mais celle-ci a été rendue possible notamment avec la diffusion de la contraception et surtout de la pilule mais ceci à partir des années 1970. Un autre facteur peut ici rentrer en compte. Il s’agit de l’avortement clandestin qui dans les années 1960-1970 est très présent. Le nombres d’avortements en France à cette époque est important, il est évalué à 250000, sachant qu’environ 300 femmes par an meurent des suites d’un avortement clandestin. 
En prenant en compte ces différents facteurs, on peut réexaminer la baisse de l’indicateur conjoncturel de fécondité.  
La baisse de la fécondité commence dans les années 1965, influencée par les facteurs que l’on a étudié principalement. La pilule contraceptive, a mis du temps à se diffuser dans la population française, mais elle a tout de même eu un effet sur le taux de fécondité, quand on la prend en compte au sein des autres paramètres influents. 
 
Comparaison avec la courbe d’indicateur conjoncturel de fécondité de États-Unis : 
Le taux de fécondité des États-Unis, contrairement à la France, commence à décroître au moment ou la pilule contraceptive est mise en vente et légalisée. La diminution du taux va s’intensifier dans les vingt années suivant l’invention de la pilule, pour ensuite se stabiliser. Il est indéniable que la diffusion de la pilule contraceptive s’est faite plus rapidement aux États-Unis, et a sûrement été plus efficace. Elle a peut-être alors eu un effet plus important sur la baisse du taux de fécondité qu’en France. 
 
 
On peut donc dire que la pilule contraceptive a participé à l’évolution des mœurs que ce soit aux États-Unis ou en France, ou dans les autres pays d’Europe occidentale. Elle a aussi déclenché certaines réactions importantes comme celle de l’Église catholique. Mais on ne peut pas dire que la pilule est à l’origine de certains mouvements féministes ou pour l’amélioration de la condition des femmes qui se sont développés à cette époque, elle n’était qu’un petit facteur dans un contexte général de modifications et de revendications.  
Mais cette innovation scientifique a quand même eut un impact profond sur la société, par son caractère révolutionnaire et libérateur notamment , qui aussi pour ces raisons a rencontré bien des obstacles pour finalement être adoptée par la population. Seule l’Église catholique interdit encore la pilule contraceptive aujourd’hui. 

(c) Caroline Manet - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 16.01.2005
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